Veille juridique par @EdouardDelattre, avocat collaborateur : arrêt @CourdeCassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2024, Pourvoi n° 22-83.681


La loi française n’imposait pas à une société française de protéger ses salariés syriens du risque de mort ou de blessures pendant la guerre civile en Syrie

 

Après le début de la guerre civile en Syrie en 2011, une société française de matériaux de construction a maintenu en activité une cimenterie dans ce pays via une sous-filiale syrienne employant des salariés syriens.

 

Les salariés syriens de l’usine ont poursuivi leur activité au sein de la cimenterie et ont été exposés à différents risques, notamment d'enlèvement par des groupes armés.

 

La société française a été mise en examen pour plusieurs infractions dont celle de mise en danger d’autrui.

 

Cette société aurait violé de façon manifestement délibérée l’obligation de sécurité imposée à l’employeur à la fois par le code du travail français et par le code du travail syrien.

 

Les salariés syriens qui assuraient la continuité de l’exploitation de l’usine ont été exposés à un risque de mort ou de blessures alors qu’ils n’avaient pas reçu de formation adéquate en cas d’attaque.

 

Définie à l’article 223-1 du code pénal, la mise en danger d’autrui est le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité qu’impose une loi ou un règlement.

 

Ce délit ne peut être reproché à une personne que si une loi ou un règlement lui impose une obligation particulière de prudence ou de sécurité.

 

Un règlement européen prévoit que, lorsqu'un salarié exécute son travail à l’étranger, la loi applicable à la relation de travail est déterminée par le contrat de travail et, à défaut, par la loi du pays dans lequel ou à partir duquel ce travailleur accomplit habituellement son travail.

 

Par exception, la loi d’un autre pays peut être retenue si le contrat présente des liens plus étroits avec celui-ci et, en outre, certaines “lois de police” dont le respect est jugé indispensable par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics sont toujours applicables.

 

Le délit de mise en danger d’autrui n’est constitué qu’en cas de violation d’une obligation imposée par une loi ou un règlement français.

 

Or, en l’absence de stipulations contraires du contrat de travail, la loi syrienne était applicable à la relation de travail entre la société française et les salariés syriens puisque ceux-ci travaillaient en Syrie.

 

Les contrats de travail ne présentaient pas de liens plus étroits avec la France, et les dispositions du code du travail français concernées ne sont pas des “lois de police”.

 

La loi française n’étant pas applicable, la mise en examen de la société française ordonnée pour mise en danger des salariés syriens est annulée par la Cour de cassation.

 

La société française est placée sous le statut de “témoin assisté” et ne pourra pas être jugée pour ces faits.


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