Covid-19 : comment engager la responsabilité des autorités ?
Face à la propagation du Covid-19 et alors que l’exécutif est pointé du doigt en raison du déficit de masques, de tests ou de lits dans les services de réanimation, la question de l’engagement de la responsabilité des autorités se pose pour les victimes de l’épidémie.
Sont possibles une action visant à engager la responsabilité pénale des dirigeants et une action visant à engager la responsabilité administrative de l’État, l’important étant de bien distinguer les deux.
Porter plainte pénale contre les dirigeants eux-mêmes
Les victimes du Covid-19 peuvent rechercher la responsabilité pénale des ministres eux-mêmes, et en particulier celle du Premier Ministre et des Ministres de la Santé qui se sont succédés ; il s’agit de porter plainte.
Une telle plainte doit être déposée devant la Cour de justice de la République car, depuis la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, les « membres du gouvernement » sont soumis à cette juridiction spéciale lorsqu’ils font l’objet d’une action pénale pour les actes « accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ».
S’il s’avère que, ayant conscience de la gravité de l’épidémie, des membres du gouvernement ont choisi de ne pas exercer tous les moyens dont ils disposaient, alors il peut leur être reproché une infraction : le délit d’abstention volontaire de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes.
Prévu par l’article 223-7 du code pénal, ce délit s’applique à la situation dans laquelle aucune personne n’est directement exposée à un péril (situation visée par le délit de non-assistance à personne en danger).
Ce texte dispose que: “Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende”.
Une pandémie telle que le Covid-19 peut être qualifiée de sinistre au sens de l’article 223-7 du code pénal et ce dès lors que la maladie concernée est susceptible d’être mortelle.
Les décisions politiques qui ont été prises, ou qui n’ont pas été prises malgré les avertissements de la communauté scientifique, peuvent quant à elles caractériser l’abstention volontaire, à condition de rapporter la preuve d’une intention.
Par ailleurs, et en dehors d’une plainte, se constituer partie civile dans le cadre d’une procédure pénale en cours peut permettre d’envisager, à terme, d’obtenir des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Engager une action en responsabilité administrative contre l’État
Un autre moyen d’obtenir réparation de son préjudice est de rechercher la responsabilité administrative de l’État.
Une telle action doit être portée devant le juge administratif, directement devant le Conseil d’État en tant que juge en premier et dernier ressort des recours dirigés contre : les décrets, les actes réglementaires des ministres et autres décisions ministérielles.
Les victimes des grandes catastrophes sanitaires (sang contaminé, amiante, Médiator) ont toujours exercé des recours en responsabilité contre l’État pour obtenir la réparation du préjudice qu’elles avaient subi et/ou, a minima, une reconnaissance de la carence fautive de l’État.
Toute personne physique ou morale estimant que son dommage est dû à une faute de l’État peut saisir le juge administratif : cela vise non seulement les personnes atteintes par le virus et leurs proches mais aussi les victimes collatérales, comme les entreprises dont l’activité a été arrêtée avec le confinement.
L’enjeu concerne l’existence ou non d’une faute de l’État.
Dans les contentieux sanitaires déjà jugés, le juge administratif n’a pas exigé de faute qualifiée (faute d’une particulière gravité).
Pour autant, pour que sa responsabilité administrative soit effectivement engagée, il faut tout de même que l’État n’ait pas agi correctement au regard de la connaissance qu’il avait du danger.
Cela renvoie essentiellement à la période durant laquelle le virus est apparu et à la question de savoir si l’État s’est suffisamment préparé et a suffisamment bien appréhendé les effets de la pandémie.
Le Cabinet NEFATI est à votre disposition pour tout conseil ou accompagnement, en droit pénal et en contentieux administratif notamment.
E.D.